• [...]

    Quelque part sur cette terre, peut-être une trace de moi subsistera, quoique soit ce moi, quelque forme qu'il prendra, poussière, charbon, corps ou âme, je serais disséquée, disséminée aux quatre vents, et j'aurai existé, une minute ou une heure, pour quelqu'un, pour ces autres, que je frôle
     encore parfois, du bout du doigt. Au moins, j'aurai été élément, dans ce monde que je foule, que j'écraserais bien quelquefois lorsqu'il blesse. 

    Chaque chose à sa place, chacune son devenir. 

    "Je suis élément de ce monde, ce monde est mon élément", ai-je dis, déjà, il y a longtemps.

    J'aurais été aussi insignifiante qu'un souffle quand les siècles auront passé, mais il aura peut-être porté en lui les germes d'un second, et l'existence suit son cours, d'un souffle à l'autre.

    [...]


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  • D’aussi loin que je m’en souvienne, il y a toujours eu, dans quelque temps que ce soit, dans quelque univers, un être qui souhaitait nous ressembler. 

    Il y en eut toujours pour nous imiter. 

    Certains préféraient s’imaginer qu’ils chantaient aussi bien que nous, que leur voix s’élevait aussi loin que nos ailes nous portent. D’autres aimaient à croire qu’ils étaient faits d’aussi beaux atours que les nôtres. 

    Il y en eut toujours pour nous admirer. Nous craindre. Nous houspiller. Et parmi nous, il en fut toujours quelques-uns pour s’en enorgueillir… 

    De ceux-là, je ne souhaite être la sœur. De ceux qui, aujourd’hui, déchirèrent les chairs de mon plus bel ami, je ne veux jamais plus entendre le chant. Qu’ils crèvent! Que ce festin de peaux, de sang et d’ossements leur pèse à jamais, qu’ils ne puissent plus connaître la caresse du vent, dans ces cieux irisés. Que leur orgueil dévore leur plus petit reste d’incarnation, comme ils s’en sont nourris ce jour, sombres ignorants!

    [...]

    Aux plus curieux, ou amicaux, d’entre nous, Monsieur Eno n’avait crainte de confier ses pensées, ses idées, aussi farfelues eussent-elles pu sembler à d’autres. 

    Ainsi, il avait toujours cru, comme Sir James Matthew Barrie avant lui, dont il était fervent admirateur, qu’à la naissance, les enfants n’étaient tout d’abord rien de moins qu’oiseaux ou fées, dont les ailes disparaissaient en grandissant, quand leur âme n’était plus alors qu’un abîme où flotterait pour toujours le souvenir voltigeant de ces membranes à plumes qui ornaient autrefois leurs épaules, avant qu’ils ne doutent d’elles. 

    Il soufflait ces quelques mots, au gré du vent qui nous les rapportait, tandis que dans un rire, il chuchotait encore qu’il était bien vain de désespérer, puisque la mort, cet être ailé parmi tous volatiles, viendrait bien nous emporter un jour hors du monde de la même façon qu’on y était entrés… 

    Qu’en serait-il de nous, qui vivons à tire-d’aile chaque jour de notre existence?

    [...]
     


     


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  • [...]

    J'aimais laisser mon esprit vagabonder au-delà de ces paysages lunaires et apocalyptiques que dessinait mon quotidien, imaginer les contrées d'antan, telles que nos ancêtres avaient pu les connaître, les fouler. 

    Alors pour leur rendre vie, je noircissais des pages et des pages, j'inventais des mondes verdoyants, emplis de senteurs et de nuances. 

    Ils étaient pour moi plus réels que celui dans lequel je grandissais, la seule lumière à l'horizon, quand tout le reste me laissait froid.

    [...]

    Mon regard parcourt, une fois de plus, le panorama nauséeux qui s'étend devant moi, au sol rocailleux jonché de déchets métalliques d'où s'élèvent des structures gigantesques et déformées toutes de verre et d'acier où s'entassent ces autres. 

    Çà et là, l'on voit briller les lueurs électriques, sans âme, de ces tours surpeuplées, et j'imagine tous ces êtres qui vivotent autour, vides, aseptiques, comme de vulgaires insectes venant se cogner encore et encore à la chaleur d'une lumière nue.

    [...]

    J'ai toujours eu cette sensation de n'exister que dans une sorte de mémoire fantomatique, ces restes éthérés d'un ailleurs vilipendé qu'il me fallait, coûte que coûte, retranscrire, encore et encore, page après page, nuit après nuit. 

    En cette Terre qui n'est plus qu'un cloaque au parfum de mort, que reste-t-il à perpétuer sinon l'imaginaire magnifié d'une vie passée?

    [...]
     


     


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  • [...]
    Pendant de nombreuses années, je fus là tous les jours.
    J'espérais qu'elle reviendrait.
    Mais les saison avaient beau se succéder, jamais elles ne m'ont apporté un souffle d'elle.
    Alors, moi aussi, je suis parti.
    J'ai découvert beaucoup de lieux, j'ai observé la foule dans mille rues, et j'ai soigné mon manque d'elle.
    J'ai flotté sur bien des océans, j'ai goûté la couleur du sang, trop de fois, trop longtemps.
    Mais souvent, j'ai entendu les musiques, qui dans chaque parcelle du monde disent ça : Il y a bien quelque chose ; là-bas, au-delà.
    [...]


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  • [...]

     

    Il est 16h00. Je m’éveille lentement. Le ciel s’assombrit déjà.

    Ma main s’en va caresser la place à côté de moi, mais ne rencontre que les draps qui semblent avoir été le terrain d’une longue bataille.

    J’allume une cigarette, aspire et expire la fumée, tout en jouant à dessiner des formes qui s’élèvent vers le plafond.

    Tantôt rondes et épaisses, tantôt presque invisibles, ces arabesques insaisissables s’enfuient hors de ma bouche.

     

     ***

     

    « J’aimerais que l’on mette cette chanson à mon enterrement. »

    De toutes ses phrases, c’est celle-ci qui me revient, continuellement, et aujourd’hui plus fort encore.

    C’était la première fois que l’on s’abandonnait l’une à l’autre.

    La première fois que je m’abandonnais aux bras d’une femme.

    La première fois que je m’abandonnais vraiment, je crois.

    Aucune de nous deux n’avait encore parlé. Elle avait seulement lancé le morceau, avant de se blottir à nouveau contre moi.

    Je sentais son souffle sur mon sein, dans la douce moiteur d’après nos ébats.

    Et elle avait jeté ces mots, comme ça, d’une voix sans expression, calmement.

    C’était si singulier !

    [...] 


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  •  [...]

    - Sillah? Où es-tu?
    - Je suis là. Près de toi. Je te sens.
    - Où es-tu? Je n'y vois pas... Je suis seul?
    - La lumière, là-bas, au Nord...
    - Tu es là?
    - Je suis là... Sors de l'obscurité. Tâtonnes, puise en toi...
    - J'ai si peur... Je n'y vois pas! […] Il n'y a plus de lumière, en moi...
    - [...]
    - Sillah? Où es-tu?
    - Près de toi mon Aimé...
    - Sillah? Tu es là...
    - Je suis là. Je tiens ta main.
    - J'ai si froid, si froid... Je ne te sens pas...
    [...]
    Il pleut?
    - Non.
    Non, mon amour. Il ne pleut pas...
    - Je sens...encore un peu...
    Quelques gouttes sur ma main... [...]
    Sillah... Tu pleures?
    - Quelques larmes, seulement quelques larmes... Ne t'en fais pas.
    [...]


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